Société
Au plus près des morts :
le tourisme funéraire
Mais pourquoi sommes nous autant fascinés ?
Photo de l’exposition BodyWorlds à Londres.
Au plus près des morts :
le tourisme funéraire
Mais pourquoi sommes nous autant fascinés ?
ARTICLE DU 18/43/2025 PAR LÉA MADONIA
POUR LE COURS DE MAGAZINE WEB
SUR LA THÉMATIQUE DU VOYAGE.
Balades dans les cimetières, visites de maisons de personnalités décédées et cabinets de curiosité, ce qu’on appelle le tourisme funéraire ou necro tourisme prend de plus en plus d’ampleur. Sensibles à l’esthétique macabre, fans d’une célébrité, passionnés d’histoire ou de sciences, le tourisme funéraire attire des curieux de tous âge et de tous horizons. Mais d’où nous vient cet attrait pour le morbide ?
Si le tourisme macabre attire toujours plus de monde ces dernières années, il ne date pas d’hier. Dans la Rome Antique, on voyageait pour assister à des combats de gladiateurs ; pendant la bataille de Waterloo, on se rendait sur le front pour se divertir bien au chaud dans des carrosses ou bien on se baladait dans les égouts de Paris, qui au 19ème siècle, avaient un franc succès.
A nouveau, les gens sont à la recherche de lieux sombres, imprégnés d’Histoire, de légendes, d’atmosphères macabres, voire glauques. En témoigne le site darktourism.com, qui répertorie plus de 900 sites « noirs » dans 112 pays différents et recueille des lieux allant du cimetière du Père Lachaise, noté 4/10 sur l’échelle du darkomètre, au village de Chernobyl, noté 10/10…
Dans un registre un peu plus précis du tourisme macabre, on retrouve le tourisme funéraire. Sophie Farrugia est spécialiste du funéraire et responsable de la communication de l’association les nécro-romantiques. Fondée par Thierry Le Roi, l’association regroupe des personnes à la passion commune : les cimetières. Les taphophiles comme on les appelle (taphos : la tombe ; phile : amour) aiment les cimetières pour leur beauté, leur histoire et leur architecture mais « ça n’a rien à voir avec l’aspect ésotérique » explique Sophie.
Inspiré par la pop culture
« Dans les années 2010, il y a eu un engouement pour la mort, dans un sens artistique et esthétique » énonce Sophie. Selon elle, ce regain d’intérêt pour le macabre pourrait être « dû à la sortie et au succès de films et de séries télévisées traitant de la mort et de l’anatomie comme Six Feet Under, Les Experts, NCIS ». A cette période, « les demandes de formations vers des professions en lien avec la mort comme les pompes funèbres ou les thanatopracteurs (qui sont les personnes qui embaument les morts) sont montées en flèche ».
Pour la spécialiste du funéraire, l’essor des réseaux sociaux dont Instagram a contribué à la démocratisation de l’esthétique morbide notamment par « les photos de cimetières, les filtres et les mises en scènes macabres romantisées ». Proches de l’univers du cimetière, les visites des catacombes de Paris, qui à son époque étaient perçues comme « désuètes » sont aujourd’hui devenue « hypes ». « Il peut y avoir des heures de queue et les prix d’entrée ont beaucoup augmenté » révèle Sophie Farrugia.
« La tombe de Jim Morrison est la plus visitée du cimetière. »
Les visites de cimetières attirent aussi par milliers des fans venus se recueillir sur la tombe de leur icône décédée. « Le Père Lachaise a eu un pic de fréquentation à la sortie du film des Doors. C’est le point de rendez-vous pour les fans. La tombe de Jim Morrison est la plus visitée du cimetière. » précise la spécialiste.
C’est aussi dans ce cimetière que Thierry Le Roi, fondateur de la communauté des nécro-romantiques et guide, propose depuis 20 ans des visites dont l’actuelle « humour noir, célébrités et légendes du Père Lachaise ».
« Mes visites ne parlent pas de morts mais de personnages exceptionnels. »
Pour le guide et passionnée d’Histoire, « le tourisme funéraire se définit globalement comme tout ce qui se rapporte à la visite de lieux en rapport avec la mort et souvent la mémoire ». Car pour lui « les deux vont ensemble ». Il le dissocie néanmoins du dark tourism. « Bien souvent les deux sont présentés comme similaires mais le dark tourism a pour moi a un côté un peu plus voyeuriste car il est lié à des endroits où ont eu lieux des tueries de masse, des drames » révèle Thierry Le Roi.
Sur ses visites qui « font partie du tourisme funéraire, mais aussi et surtout du tourisme culturel », il explique également que ces dernières « ne parlent pas de mort, mais de personnages exceptionnels ». Le cœur de son travail est de valoriser des icônes culturelles et de transmettre du savoir. « Les morts évoqués dans mes visites sont de véritables trésors d’histoire, de connaissance, d’art ou de lettres. Venir écouter la vie de Balzac ou d’Oscar Wilde est un véritable privilège quand on sait à quel point leur présence a continué à faire rayonner la littérature » exprime Thierry.
« Le cimetière est un lieu d’histoire qui peut être passionnant. »
Sans être taphophiles, certaines personnes apprécient se promener dans les cimetières. « C’est un lieu d’histoire qui peut être passionnant » explique Nancy, 68 ans qui vient des Yvelines. Pour elle, le cimetière est intéressant pour la dimension sociale qu’il traduit. « Je suis intéressée par ce qu’a fait l’Homme de ses défunts, la manière dont il a accompagné les morts et comment tout ça s’accompagne de rituels » confie-t-elle.
De l’autre côté de la rive, la Maison Gainsbourg, ouvert il y a un an rue de Verneuil dans le 7ème arrondissement de Paris, reçoit tous les jours des centaines de visiteurs. Pendant la visite, il est possible de marcher dans l’ancien salon, la salle de bain ou la cuisine du chanteur mais aussi dans son ancienne chambre où il est décédé en 1991.
A la sortie de la maison, Maya originaire du Mexique, est venue avec sa fille Louna et son petit garçon Yao. C'est le père de la famille qui leur a donné le goût de Serge Gainsbourg.
« On voulait s’imprégner de sa vie, connaître sa maison, le lieu d’où il vient. On comprend encore plus la personne » affirme Maya. A propos de la chambre de Gainsbourg, cette dernière avoue « c’est comme si je le voyais allongé se reposer, ça m’a donné des frissons ».
La mort... pas faite pour tout le monde ?
Entre autres dissections et exécutions à la guillotine sur la place publique, « au 18ème et 19ème siècle, la mort n’était pas un tabou et on s’en servait pour faire avancer la médecine » explique Sophie Farrugia, « mais dès le 20ème siècle, on n’en parle plus ».
Car de l’autre côté, le spectacle de la mort peut heurter la sensibilité de certains et on préfère fermer les rideaux. Ça a par exemple été le cas de l’exposition Body Worlds dans laquelle le public pouvait observer de véritables corps partiels ou entiers conservés par la technique de la plastination. L’exposition a été censurée après 2 semaines à Paris et interdite par la cour de cassation pour « atteinte au respect et à la dignité de la personne décédée ». Elle a été maintenu en Angleterre, en Suisse, en Belgique et aux Pays-Bas.
Même cas pour le musée Dupuytren de l’école de médecine de Paris, qui renferme plus de 6000 cas d’anatomie pathologiques conservés dans des bocaux de formol depuis le 17ème siècle, fermé au public depuis 2016. La France serait-elle un brin sensible ?
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